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Chocolat au lait ou aux laits ?

Quasi érigé en symbole national, le chocolat au lait semble couler une existence douce et immuable dans les Alpes suisses. Pourtant, à y regarder de plus près, il semblerait que lui aussi réponde aux sirènes du monde moderne. Qu’en est-il, faut-il désormais utiliser le pluriel et parler de chocolat aux laits ? Tour d’horizon des dernières tendances et de ce qui mérite l’attention ou, au contraire, n’est qu’un argument de vente.

Qu’est-ce que le chocolat au lait ?
Légalement, en Suisse et en Europe, pour être dit au lait, un chocolat doit contenir au minimum 20% de cacao et 20% de lait en poudre. Il reste pas mal de marge pour y ajouter sucre, lécithines végétales moins chères que le beurre de cacao, etc. Cette définition signifie également qu’il n’y pas de règle spécifique pour définir un chocolat dit dark milk ou rubis. De même, nul besoin de se cantonner au lait de vache.

Historiquement et culturellement, il est intéressant de souligner le fort lien entre le chocolat au lait et la Suisse. En effet, c’est Daniel Peter, qui en 1875 crée la première recette de chocolat au lait sur les rives du lac Léman. Cette première variante utilise du lait… condensé. Ce n’est qu’une dizaine d’année plus tard, à force d’expérimentations, qu’il met au point le chocolat avec du lait en poudre. Le succès est au rendez-vous. Le chocolat suisse entre dans la légende pour son fondant et sa douceur.

Aujourd’hui encore, le chocolat helvétique est fortement influencé par cette conception très douce du chocolat. Ainsi, même décliné en noir, il se doit d’être fondant. Une typicité qui lui vaut d’être souvent riche en beurre de cacao. A noter également en 1879, l’invention en Suisse du conchage qui permet de renforcer ces caractéristiques en lien avec la texture.

 1905 ad for Gala Peter stating (in French): "The world's first milk chocolate. D. Peter, Inventor Vevey (Switzerland). Any other brand is an imitation."

En lire plus sur l'histoire du chocolat en Suisse : Guide du chocolat

Il n’y a pas que la vache
Si l’histoire semble gravée dans le marbre, heureusement la créativité des chocolatiers n’a pas disparu. Avec le renouveau du chocolat artisanal des années 2000, il faut aussi revisiter et valoriser les best-seller au lait. Toutefois, il faudra attendre les années 2010 pour que le chocolat au lait devienne un sujet d’expérimentation digne de ce nom. Fort de sa suissitude, le couverturier Felchlin lance un chocolat au lait d’alpage produit dans la biosphère UNESCO de l’Entlebuch au cœur des Alpes. Ode à la qualité des ingrédients et au savoir-faire, ce chocolat n’apporte pas grand chose en terme d’innovation gustative.

Plus aventurier, d’autres tenteront de se départir du lait de vache. Apparaissent ainsi des tablettes au lait d’ânesse, mais aussi de brebis ou de chèvre. Le virage est entamé. Gustativement, l’impact est sensible et le jeu devient intéressant. Souvent, les chocolatiers bean-to-bar réalisent les meilleurs essais en valorisant le cacao grâce à ces nouveaux ingrédients. Ces mêmes chocolatiers mettent plus volontiers en avant le goût. Chez d’autres, il n’est pas rare de voir des arguments de vente tel que « lait plus digeste, plus nutritif, plus proche du lait maternel »…

La course à l’originalité bat son plein, avec l’imagination pour seule limite. Tant mieux. A ce jeu, certains n’hésitent pas à passer outre les frontières. Pourquoi se borner au lait quand la gamme des produits lactés est plus large. Passionné, Samuel Romagné avait lors de son aventure bean-to-bar chez Canonica testé le chocolat au yaourt. Une réussite aussi audacieuse qu’originale. Chez Naive, c’est carrément le kéfir. Le défi reste souvent lié au fait de trouver des produits lactés différents et utilisables. Au niveau industriel, Villars, avec sa récente collection de chocolat au lait provenant de différents cantons suisses a les moyens pour structurer son approvisionnement.

Chocolat au lait végan, voire artificiel
Si les autres laits animaux ont rapidement conquis les producteurs classiques, c’est outre-Atlantique qu’à démarré la frénésie des laits dits végétaux. Porté par les consommateurs intolérants au lactose, le mouvement a ensuite essaimé grâce au véganisme. Les premiers essais se sont souvent avérés peu intéressants gustativement. Une fois de plus, lorsque les artisans bean-to-bar s’approprient ces produits, la démarche devient intéressante.

Les laits d'amande, d'avoine, de coco et de soja ont tous un profil gustatif différent. Comme toute inclusion dans le chocolat, ils peuvent réserver de belles surprises. À mon sens, le principal défi réside dans la comparaison avec le lait classique. Si le consommateur cherche un substitut à son expérience habituelle, il sera déçu. En revanche, en abordant ces produits comme une nouvelle création, l'expérience devient réellement intéressante. Une nouveauté dans le monde est le lait Theobroma cacao bicolor, également connu sous les noms mocambo, majambo, arbre jaguar, Chilate, balamte ou pataxte. Il ressemble à un cacao rond avec davantage de nervures. Il est de couleur verte et jaune. Il était consommé dans les cultures précolombiennes et aujourd'hui a sa place dans la cuisine traditionnelle de tous les pays du haut bassin de l'Amazone. Les Européens semblent l'avoir négligé et ne l'ont pas exporté comme leur voisin, le cacao, mais cela change avec quelques chocolatiers qui le proposent et l'apprivoisent, comme Racine carrée.

cacao theorbroma bicolor, majambo, Description:  Le fruit du Theobroma bicolor, communément appelé coapataixte et pataxte, est originaire d'Amérique centrale. Il est utilisé dans certaines régions pour préparer une boisson connue sous le nom de "Chilate". Photo de Juan Gpe Ignacio

Le fruit du Theobroma bicolor, communément appelé coapataixte et pataxte, est originaire d'Amérique centrale. Il est utilisé dans certaines régions pour préparer une boisson connue sous le nom de "Chilate". Photo de Juan Gpe Ignacio

Pérou, Saint Martin Lait Végétal 60% au majambo (theobroma cacao bicolor)

D’un point de vue industriel, face aux coûts environnementaux de la production de masse du lait, les ingénieurs mettent au point du lait produit in vitro. Du fait de la standardisation lors de la pasteurisation et du mélange entre différentes fermes, il est fort probable que la différence entre lait naturel et artificiel, soit facile à percevoir pour le consommateur. Dès lors, réduit en poudre pour fabriquer du chocolat au lait, ce succédané pourrait tout à fait s’avérer être une alternative bienvenue pour une production de masse. Reste à savoir s’il restera alors encore du cacao pour l’industrie du chocolat…

 

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