La lécithine dans le chocolat est source de nombreuses controverses. Les puristes diront qu’il n’y a besoin que de deux ingrédients pour faire du chocolat : du cacao et du sucre. Tout le reste n’est que superflu. Si légalement rien d’autre n’est nécessaire, tant que les pourcentages minimaux sont respectés, il n’est pas interdit d’y ajouter de la lécithine. Dès lors, pourquoi en utiliser et qu’est-ce que ça apporte ?
Qu’est-ce que la lécithine ?
De nombreux domaines utilisent la lécithine, des cosmétiques à l’alimentaire. Les fabricants en obtiennent notamment à partir de plantes comme le soja, le tournesol, le colza ou encore le maïs. Ses propriétés en font un ingrédient particulièrement utile. En effet, au niveau des molécules, sa caractéristique principale vient du fait qu’une extrémité attire l’eau et l’autre se lie facilement aux composés des ingrédients gras. Cette propriété permet de faire des mélanges — des émulsions pour être exact — plus stables. En tant qu’additifs, les lécithines permettent de changer le processus de fabrication, la texture, mais aussi le goût d’un aliment.
Malgré tout, la lécithine est souvent au cœur de polémiques. Que ce soit en tant qu’ingrédient mauvais ou bénéfique, sa présence ne laisse pas indifférent. En terme de santé, les lécithines végétales semblent a priori jouer un rôle nutritionnel plutôt bénéfique. En revanche, il faut se méfier des promesses vantant qu’elles peuvent soigner certaines maladies. Leur rôle négatif vient plutôt de leur impact sur l’environnement. En effet, la lécithine est souvent extraite du soja, notamment OGM, qui est fréquemment cultivé sur des parcelles issues de la déforestation et a un impact sur les ressource en eau.
Pourquoi mettre de la lécithine dans le chocolat ?
Il existe deux styles de chocolat. D’une part, des chocolats peu gras auxquels les fabricants n’ajoutent aucun ou très peu de beurre de cacao. D’autre part, des chocolats très crémeux, auxquels les producteurs ajoutent du beurre de cacao pour augmenter le fondant. En terme de fabrication, dans le premier cas, le défi consiste à travailler un masse de chocolat plus dense. Avec moins de viscosité, le mélange peut bloquer les machines, surtout dans un local à l’humidité mal contrôlée. L’ajout de lécithine permet de fluidifier le tout sans augmenter le fondant. Ainsi, il faut cinq à dix fois moins de lécithine que de beurre de cacao pour un résultat similaire. Dans le cas des chocolats très gras, le risque est que le beurre de cacao se sépare du reste de la masse. L’ajout de lécithine permet alors d’avoir un mélange plus stable.
Le cacao et le sucre sont mixés dans un mélangeur. C’est à ce stade que la lécithine peut être ajoutée à la masse de chocolat pour modifier sa viscosité. Crédit : Daderot, wikipedia.
Gustativement, la principale différence entre l’ajout de lécithine ou de beurre de cacao dans le chocolat réside dans la texture. Avec un point de fusion bien en deçà de la température du corps humain, le beurre de cacao confère un fondant unique. Moins sensible à la chaleur, la lécithine rendra le chocolat moins fondant. Cette propriété est aussi intéressante pour la conservation. En effet, avec de la lécithine le produit résiste mieux aux variations des conditions de stockage. Ainsi, ce choix prévient en partie le blanchissement du chocolat. Bien que sans danger, ce phénomène est le résultat de la séparation du gras de la masse, rendant ainsi le chocolat plus cassant et moins goûteux.
Les avantages et les inconvénients
Au final, qu’est-ce que l’ajout de lécithine dans le chocolat apporte au producteur et au consommateur ? Pour le premier, au-delà des contraintes techniques, c’est aussi une question de coûts, en particulier à l’échelle industrielle. En effet, si le chocolat se conserve mieux, les pertes et le gaspillage diminuent. L’économie est aussi significative. D’une part, les lécithines coûtent moins cher que le beurre de cacao. D’autre part, elles nécessitent de moindres quantités. A noter, que cela peut aussi signifier devoir se priver de certains clients allergiques à certaines lécithines.
Pour le consommateur, dans le cas d’un chocolat industriel, la différence est minime en termes gustatifs. Il vaut alors surtout la peine de faire attention au type de lécithine pour réduire son impact environnemental en privilégiant la lécithine de tournesol ou de colza à celle de soja. Dans le cas de chocolats dits bean-to-bar pour lesquels l’origine du cacao joue un grand rôle gustatif, l’ajout de lécithine va changer le fondant et donc l’expérience. Un élément qui peut être rédhibitoire pour certains. Mais ce choix du producteur doit être pondéré. En effet, le climat tropical de certains pays ne laisse peut-être pas d’autre choix. Comme souvent, il faut se garder de voir la lécithine dans le chocolat comme uniquement bonne ou mauvaise.
La note du sommelier (Nicolas) Personnellement, je préfère choisir des produits sans lécithine. Pourquoi ? Car en changeant la texture du chocolat et la façon dont il fond en bouche, l'expérience est altérée. A mon avis, un chocolatier torréfacteur qui connaît et maîtrise son cacao saura en tirer le meilleur sans avoir à ajouter d'autres ingrédients. Cela facilite également la comparaison des interprétations par différents chocolatiers d'un même cacao. Ce point de vue est très spécifique à mon activité et ne devrait pas être considéré comme un idéal.
Retrouvez l'article original sur le délicieux blog de Nicolas.
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