Partie I. Côté cacao - D'où vient le goût du chocolat Bean-to-Bar

Les saveurs et arômes du chocolat, en particulier dans le processus Bean-to-Bar, reposent sur quatre éléments fondamentaux : la génétique, la fermentation, la torréfaction et le conchage. D'autres facteurs tels que le séchage, le tempérage, etc., sont également essentiels pour la fabrication du chocolat, mais ils n'influent que légèrement sur le profil aromatique.

L'éventail varié de saveurs que l'on peut découvrir en dégustant du chocolat artisanal seul ou en l'associant à d'autres produits mérite d'être exploré. Cependant, nous sommes conscients que, en raison de sa complexité, plonger dans l'univers des saveurs du chocolat peut sembler intimidant. Pour vous guider, nous vous proposons la formule suivante pour comprendre le goût du chocolat :

Goût du chocolat = Arômes de constitution + Arômes fermentaires + Arômes de torréfaction + Arômes empyreumatiques.

Dans cet article, nous présenterons les arômes de constitution liés à la génétique et au terroir dans la première partie. En ce qui concerne les chocolats, nous aborderons les arômes fermentaires, les arômes de torréfaction et les arômes empyreumatiques dans la seconde partie.


Côté cacao - Le cacaoyer

En 1753, le cacaoyer entre dans l'Herbier Botanique Européen, sous le nom de Theobroma Cacao L, signifiant "Nourriture pour les Dieux" en raison de son usage religieux en Mésoamérique par les Olmeques et Mayas. Il est aujourd'hui décrit comme un petit arbre à feuilles persistantes, allant de 4 à 15 mètres de haut, faisant partie de la famille des Malvaceae. Une fois pollinisées, les fleurs produisent de grandes cabosses colorées (20 à 60 par arbre), contenant entre 20 et 40 fèves riches en lipides recouvertes d'une pulpe comestible sucrée. Le cacaoyer est un arbre originaire d’Amérique du Sud (Bassin de l'Amazonie). Aujourd’hui, il est présent sur toute la ceinture tropicale. Au goût, il est très difficile de distinguer la ou les variétés qui composent un chocolat. Le terroir, l’année de la récolte, le processus de fabrication et les autres ingrédients jouent un rôle essentiel dans la proposition gustative du cacao. Actuellement il existe plus d'une douzaine de variétés de cacaoyer. Cependant, seul quatre cépages sont exploités, présentant des arômes de constitution distincts pour ces quatre variétés :

 
 
Fleurs de cacaoyer par Chocolats du Monde, pour chocolats artisanal
Fleurs de cacaoyer à São Tomé
 
Cabosses de de cacaoyer au Brésil

 


Les grand cépages du cacao et le goût

 

    Le Criollo

     

    • Description - le criollo (le créole), domestiqué entre 3000 et 1500 avant J.-C. par les Olmèques dans la région du Maracaibo au Vénézuela. Il est réservé aux fèves aromatiques qui représentent 3 à 5 % de la production mondiale. Les cabosses sont pointues et verruqueuses dans les tons rouge-violet  avec des fèves blanches et rondes.
    • Le goût - Les fèves ont des arômes doux, peu astringents et fruités.
    • Approfondissez davantage vos connaissances sur le cacao Forastero, notre article : Le cacao Criollo - rare et merveilleux
     
     
    Côté cacao - Criollo cacao
    Cacaoyer criollo à Pérou

     

      Le Forastero

       

      • Description - (l’étranger ou non-créole) est domestiqué en 1639 par les jésuites espagnols dans la région de Bahia au Brésil. Il est utilisé pour le cacao dit "brut" qui représente 80 à 90 % de la production mondiale. Les cabosses sont rondes et lisses, de couleur verte ou jaune avec des fèves pourpres et plates.
      • Le goût - Les fèves ont des arômes fortement amers, astringents et acidulés.
      • Approfondissez davantage vos connaissances sur le cacao Forastero, notre article : Le cacao Forastero : robuste et polyvalent

         

         
        Côté cacao- Cacao forastero du ghana
        Cacaoyer Forastero au Ghana
         

          Nacional

           

          • Description - le Nacional où “arriva de babahoyo” (d’en haut) est domestiqué depuis 1635 en Équateur. Similaires au Forastero, les cabosses sont rondes et lisses, de couleur verte ou jaune avec des fèves pourpres, mais possède un arôme très distinct (jasmin, floral et fleur d’oranger). Il est rare et ne représente que 1 à 3 % de la production mondiale.
          • Le gout - Les fèves ont des arômes doux et floraux, peu astringents et amers.
          • Approfondissez davantage vos connaissances sur le cacao Forastero, notre article : Le cacao Nacional : un trésor national à découvrir

             

             
            Côté cacao - cacap nacaional
            Cacaoyer Nacional Équateur

             
             

              Le Trinitario

               

              • Description - un hybride du Criollo et Forastero, qui représente 10 à 15 % de la production mondiale et recoupe les caractéristiques principales des deux variétés.
              • Le goût - Le Trinitario étant une hybridation du Criollo, donc les goûts qui resortent sont un assemblage qui va dépendre d'une présence plus ou moins forte de Criollo. On peut trouver des arômes astringents et acidulés fruités.
              • Approfondissez davantage vos connaissances sur le cacao Forastero, notre article : Le cacao Trinitario : fusion d'excellence entre Criollo et Forastero

               

                    Côté cacao - cacao trinitario
                    Cacaoyer Trinitario à São Tomé

                     
                    Depuis une dizaine d'années, la classification des variétés des cacaoyers est complètement remise en cause par l’introduction de nouvelles techniques génétiques. Ces dernières permettent de retracer l'ADN des cacaoyers et leur origine géographique ; on n'utilise plus seulement les simples distinctions physiques et gustatives. Grâce à cette innovation, un grand nombre de variétés ont été identifiées et certaines, comme le Forastero, ayant une diversité génétique trop grande, ont été fragmentées en sous-catégories. Aujourd'hui, plus de 10 groupes peuvent être cités : Amelonado, Contamana, Criollo, Curaray, Guiana, Iquitos, Maranon, Nacional, Nanay et Purus. Cette nouvelle diversité est d'autant plus intéressante car elle offre un large terrain d’exploration et pourrait être la source de nouvelles découvertes gustatives et biologiques comme le décrit l’article “The use and domestication of Theobroma cacao during the mid-Holocene in the upper Amazon” (l'exploitation et la domestication de Theobroma Cacao durant l'Holocène dans l'Amazonie supérieure). 



                    Les terroirs et le goût

                    En plus de la génétique, les terroirs jouent un rôle prépondérant dans la palette aromatique. Plus l’échelle de la ferme est petite et plus l’expression du terroir est grande. Voici un petit lexique pour vous guider dans la définition des terroirs:
                    • Assemblage - Mélange de fèves
                    • D’origine - Fèves d’un pays
                    • Grand Cru - Fèves d’une region
                    • Domaine - Fèves d’une ferme

                    Hors, la génétique et le terroir qui sont des facteurs intrinsèque au cacao : deux grandes étapes qui ont lieu sur la ferme peuvent impacter le goût du chocolat. Ces dernières sont la fermentation et le séchage, conduits par les cultivateurs de cacao. Les techniques de traitement des fèves de cacao varient énormément selon les pays et les moyens financiers des producteurs : sous la forme la plus simple, le cacaoculteur fait une pile de fèves à même le sol recouverte de feuilles de bananier pour les protéger des rayons UV du soleil (souvent utilisée en Afrique) ou il utilise des caisses en bois fermées permettant de suivre en continu la fermentation. Voici un petit aperçu de l'impact de ces deux étapes clés, qui sont bien souvent hors du contrôle des chocolatiers, sauf pour les producteurs de type "Tree-to-Bar" (de la fève à la tablette).

                     

                    La fermentation du cacao

                    Après la cueillette, les fèves de cacao sont retirées des cabosses, puis rassemblées en piles ou en caisses en bois, et couvertes, généralement avec des feuilles de bananier. La combinaison du climat tropical, de l'obscurité et du sucre (la pulpe) permet le déclenchement de réactions chimiques favorisées par des levures spontanées et des bactéries présentes sur les feuilles et les parois des caisses. Ce processus libère de l'éthanol à partir du glucose présent dans la pulpe et le transforme en acide acétique. Dès que les fèves sont recouvertes d'acide acétique, la dernière étape de la fermentation peut commencer. Elles absorbent alors les acides, déclenchant des réactions enzymatiques qui libèrent les premiers arômes de cacao tant recherchés. Cette transformation prend généralement entre 5 et 7 jours. Cette étape, si elle est trop courte ou trop longue, peut drastiquement changer le goût du cacao.

                    • Une fermentation trop courte produit des fèves de cacao dites "ardoisées", ce qui signifie que les cotylédons prennent des couleurs ardoise (gris bleu) ou violette. Ces fèves ne sont pas suffisamment fermentées, ce qui se traduit par l'expression d'arômes constitutifs et fermentatifs diminués. Dans le secteur aromatique, si plus de 40% des fèves sont violettes ou si 3% sont ardoisées, le lot peut être rejeté par le chocolatier.
                    • Une fermentation avec de mauvais micro-organismes peut entraîner l'apparition de goûts non désirés tels que l'acidité, l'amertume, ou des saveurs accidentées ou pourries.


                    Attention : l'impact de la fermentation est une science complexe et encore mal comprise. Il arrive souvent que des cacaos considérés comme mal fermentés selon les normes industrielles produisent des chocolats exceptionnels.

                     

                    Le séchage du cacao


                    Après la fermentation, il est nécessaire de sécher les fèves afin de réduire leur humidité et d'éviter toute moisissure durant le transport, souvent long, vers les pays transformateurs. Pour ce faire, les fermiers étalent les fèves sur de larges surfaces pour les laisser sécher pendant plusieurs jours. Une fois sèches, elles sont conditionnées dans des sacs en vue de l’expédition. Selon le pays, les niveaux d'humidité et la saison, le séchage peut prendre une semaine. Si le fermier dispose de plus de moyens ou participe à une coopérative, le processus peut également être mécanisé (four électrique, bois ou gaz).

                    Un mauvais séchage peut entraîner la formation de fèves moisies, présentant des taches blanches qui se reflètent dans le goût. Un lot de fèves contenant plus de 3% de fèves moisies est rejeté dans le secteur aromatique. 

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