Annoncé comme une avancée majeure dans la lutte contre la déforestation mondiale, le Règlement Européen sur la Déforestation (RDUE), initialement prévu pour entrer en vigueur à la fin de 2024, a été reporté à décembre 2025. Ce délai soulève des interrogations sur l’état de l’industrie des commodités tropicales. Dans cet article, Chocolats du Monde revient sur les avancées techniques qui ont permis la mise en place du RDUE, analyse ses implications pour la filière, et s’interroge sur la capacité des industries des soft commodities à évoluer vers des pratiques véritablement durables.
Qu’est-ce que le RDUE ?
Adopté le 31 mai 2023 et publié au Journal Officiel de l’Union Européenne le 9 juin, le RDUE vise à garantir que les produits consommés en Europe, comme le cacao, le café ou encore le soja, ne contribuent pas à la déforestation. Il impose à tous les exportateurs de prouver l’origine géographique précise des produits grâce à des coordonnées GPS des fermes. La décision d’imposer la nécessité de communiquer les coordonnées GPS des fermes a été rendue possible grâce à l’apparition et à la démocratisation de deux technologies :
1. Les smartphones, rendant la collecte de données accessible à grande échelle, grâce à leurs instruments GPS intégrés qui permettent, à l’aide des satellites, de collecter des coordonnées XY même hors réseau offre la possibilité d'identifié partout dans le monde ou ce trouve une ferme.
2. Les satellites satelisatie, La mise à disposition d’images satellitaires en libre accès a permis un bond dans le suivi des espaces forestiers tropicaux. Par exemple, l’Agence Spatiale Européenne fournit des images à résolution suffisante pour détecter les changements dans les zones forestières tous les quinze jours (10mx10m par pixel).
Grâce à ces innovations, nous pouvons, pour la première fois, contrôler de manière continue l’évolution des fermes partout dans le monde, permettant ainsi de protéger les forêts et d’assurer une meilleure traçabilité des produits sur le marché européen.
Photo satellite de haute résolution de Google Earth avec des polygons ivoirien
Pourquoi ce report à 2025 ?
Bien que salué pour son ambition, le RDUE a suscité des inquiétudes quant à la rapidité de son introduction et à l’absence de mesures d’accompagnement adaptées surtout dans les pays producteurs. Plusieurs raisons expliquent ce report.
1. Un manque de préparation des acteurs concernés : Les producteurs, coopératives et exportateurs, notamment dans les pays en développement, ont été confrontés à des exigences complexes et mal expliquées. De plus, étant très peu soutenus par les exportateurs et les négociants, ils ont dû endosser la grande majorité des charges et des coûts liés à la mise en conformité. Par exemple, cartographier chaque parcelle, souvent située dans des zones reculées, exige des moyens humains et financiers considérables. Le résultat est que de nombreuses petites exploitations, particulièrement dans le secteur du cacao, n’ont pas pu s’adapter à temps.
2. Des coûts transférés sur les producteurs : Les grandes entreprises importatrices ont, dans de nombreux cas, reporté les coûts de mise en conformité sur les petits producteurs et coopératives. Ces derniers, disposant de ressources limitées, ont rencontré des difficultés à collecter les données demandées.
3. Des résistances des acteurs économiques : Certaines entreprises influentes ont exprimé leur opposition, arguant que les délais imposés ne permettaient pas une transition harmonieuse, risquant ainsi de perturber les chaînes d’approvisionnement.
Photo de collecte des coordonnées sur une parcelle pour la création des polygones.
Ce que cela révèle sur l’industrie du cacao
Le cacao, un produit de base largement consommé en Europe, illustre bien les défis soulevés par le RDUE.
1. Un marché opaque : Le commerce du cacao est connu pour sa complexité et son manque de transparence. Tracer l’origine précise des fèves est un défi de taille, en particulier dans des pays où l’infrastructure logistique reste fragile.
2. La fragilité des petits producteurs : Ceux-ci représentent une grande partie de l’industrie, mais ils sont souvent laissés pour compte face aux nouvelles exigences. Sans soutien technique et financier, ils risquent d’être exclus du marché européen.
3. Un besoin urgent de durabilité : Ce report souligne la nécessité pour l’industrie de se tourner vers des pratiques plus durables, comme l’agroforesterie, qui allie production et conservation des écosystèmes.
Photo de cabosse de cacao ivoirienne.
Une opportunité pour mieux accompagner le changement
Le report du RDUE à décembre 2025 offre un temps précieux pour renforcer les mécanismes d’accompagnement des acteurs du secteur. Cela pourrait inclure :
• Des aides financières pour soutenir la collecte de données et l’adoption de pratiques durables.
• Une meilleure sensibilisation des producteurs sur les enjeux environnementaux et les bénéfices économiques à long terme de la conformité.
• La promotion de modèles agricoles innovants tels que l’agroforesterie, qui combine arbres et cultures pour préserver la biodiversité et le sol.
Photo d’une équipe d’agents de terrain en Côte d’Ivoire.
Un défi collectif pour une industrie plus responsable
Le RDUE marque une étape importante dans la lutte contre la déforestation, mais il met également en lumière les défis d’une transition vers un modèle durable. Si le cacao et d’autres commodités ne s’adaptent pas rapidement, les conséquences pourraient être lourdes : exclusion des marchés européens et aggravation des dégâts environnementaux.
Ce délai de mise en œuvre doit être vu comme une opportunité de repenser les pratiques agricoles et commerciales. C’est une chance pour les consommateurs, les entreprises et les producteurs de se rassembler autour d’un objectif commun : une consommation responsable qui préserve notre planète.
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